« T’as passé un bel été ? » me lance une voix joyeuse.
Me voilà bien emprunté pour trouver une réponse adéquate
Ne sachant pas trop si cette question se réfère en réalité
Aux vacances que j’aurais passées en touriste loin de chez moi.
Mettons que je sois en train de déguster une grappe de raisin
Je raffole du raisin. Donc, ce serait tout à fait possible
Que je sois en train de savourer du raisin quand cette question
Arrive. Ou des Châtaignes. J’adore aussi les Châtaignes.
Alors oui ! Je dirai : «j’ai passé un bel été, c’est pour cela
Que j’apprécie tant ces raisins (ou ces châtaignes, ou les deux
À la fois) : ils viennent de là où je visitais mes producteurs !»
Imaginons un instant : nous n’avons eu que quelques jours
Ou quelques semaines tout au plus pour faire connaissance
Tant soit peu avec ce lieu qui nous a hébergés.
Nous laissant avec ces souvenirs que le temps menace d’effacer.
Et voilà que, comme par enchantement, grâce à ces saveurs
Les beaux moments nous reviennent, et non seulement eux
Mais aussi, dans leur sillage toutes ces impressions ébauchées
Dans notre esprit, entre rêves, espoirs, suggestions…
Quand j’aurai croqué mon ultime grain ou pelé ma dernière
Châtaigne, je m’assiérai confortablement en écoutant les sons
Qui éclosent, le balancement de la voix, le flux des paroles
Dans leur vitesse de croisière… Et je fermerai les yeux.
Alors défileraient devant moi les paysages aimés de mes séjours
Les horizons lointains, la dimension de l’infini, la mémoire des âges.
Et en les rouvrant, la brise caresse toujours encore les épillets,
Le Grillon stridule à l’orée de son terrier, l’Alouette frémit dans l’azur
Et au-delà de la barre rocheuse glisse, furtive, la silhouette de l’Aigle.
Et la falaise elle-même que je scrute dans ses moindres aspérités
Porte en elle le témoignage de cette ombre qui a passé devant elle
Sans rien nous dire d’avant, ni d’après, mais qui attendait simplement
Ce point culminant pour venir jusqu’à moi…