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71. C’ÉTAIT COMMENT AVANT?

« T’as passé un bel été ? » me lance une voix joyeuse.

Me voilà bien emprunté pour trouver une réponse adéquate

Ne sachant pas trop si cette question se réfère en réalité

Aux vacances que j’aurais passées en touriste loin de chez moi.

Mettons que je sois en train de déguster une grappe de raisin

Je raffole du raisin. Donc, ce serait tout à fait possible

Que je sois en train de savourer du raisin quand cette question

Arrive. Ou des Châtaignes. J’adore aussi les Châtaignes.

Alors oui ! Je dirai : «j’ai passé un bel été, c’est pour cela

Que j’apprécie tant ces raisins (ou ces châtaignes, ou les deux

À la fois) : ils viennent de là où je visitais mes producteurs !»

Imaginons un instant : nous n’avons eu que quelques jours

Ou quelques semaines tout au plus pour faire connaissance

Tant soit peu avec ce lieu qui nous a hébergés.

Nous laissant avec ces souvenirs que le temps menace d’effacer.

Et voilà que, comme par enchantement, grâce à ces saveurs

Les beaux moments nous reviennent, et non seulement eux

Mais aussi, dans leur sillage toutes ces impressions ébauchées

Dans notre esprit, entre rêves, espoirs, suggestions…

Quand j’aurai croqué mon ultime grain ou pelé ma dernière

Châtaigne, je m’assiérai confortablement en écoutant les sons

Qui éclosent, le balancement de la voix, le flux des paroles

Dans leur vitesse de croisière… Et je fermerai les yeux.

Alors défileraient devant moi les paysages aimés de mes séjours

Les horizons lointains, la dimension de l’infini, la mémoire des âges.

Et en les rouvrant, la brise caresse toujours  encore les épillets,

Le Grillon stridule à l’orée de son terrier, l’Alouette frémit dans l’azur

Et au-delà de la barre rocheuse glisse, furtive, la silhouette de l’Aigle.

Et la falaise elle-même que je scrute dans ses moindres aspérités

Porte en elle le témoignage de cette ombre qui a passé devant elle

Sans rien nous dire d’avant, ni d’après, mais qui attendait simplement

Ce point culminant pour venir jusqu’à moi…